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Management fees et rémunération indirecte du gérant : la CAA de Marseille renforce les exigences probatoires

La Cour administrative d’appel de Marseille affine les conditions dans lesquelles une société peut valablement rémunérer indirectement son dirigeant via une convention de prestations de services.

Categorie
Droit fiscal des entreprises
Date
9.4.25

Par un arrêt du 3 avril 2025 (n° 23MA02484), rendu sur renvoi de la décision “Sté Collectivision” du Conseil d’État, la 3e chambre de la Cour administrative d’appel de Marseille affine les conditions dans lesquelles une société peut valablement rémunérer indirectement son dirigeant via une convention de prestations de services. En l’espèce, faute de preuve d’une décision sociale explicite et d’une contrepartie réelle pour la société, le versement d’honoraires a été requalifié en acte anormal de gestion. La cour applique rigoureusement la grille de lecture dégagée par le Conseil d’État et rappelle l’exigence d’une justification probante, tant sur la forme que sur le fond, pour écarter la qualification d’appauvrissement sans contrepartie.

L'arrêt illustre avec clarté les exigences très strictes imposées par le juge administratif en matière de rémunération indirecte du dirigeant via des conventions de prestations entre sociétés liées. Si une telle structuration reste juridiquement possible, elle suppose :

  • une délibération explicite des associés ou du conseil d’administration, formellement consignée ;
  • la preuve documentée de prestations spécifiques, étrangères aux fonctions inhérentes au mandat social ;
  • une vigilance particulière en cas de conflit d’intérêts ou de dirigeants communs.

À défaut, la société s’expose à un rehaussement d’impôt sur les sociétés, à des pénalités, et potentiellement à des redressements de TVA.

La société Collectivision, une SARL dirigée par M. A., a conclu en juin 2013 une convention de prestations de services avec la société Sonely, dont M. A. était également co-gérant et associé. Cette convention prévoyait un large éventail de missions de nature administrative, financière et stratégique (mise à jour des outils de gestion, coordination opérationnelle, développement du groupe...).

Or, ces prestations ont été réalisées par le gérant lui-même, à travers la société Sonely. Pour l’administration fiscale, les honoraires versés à Sonely correspondaient en réalité à une rémunération indirecte de M. A., non décidée régulièrement par les organes sociaux compétents, et sans contrepartie distincte de ses fonctions de gérant. L’administration a donc réintégré ces charges pour l’exercice 2013 au titre d’un acte anormal de gestion (AAG).

La société a contesté ce redressement, d’abord devant le tribunal administratif, puis devant la cour administrative d’appel de Marseille, après cassation partielle par le Conseil d’État (décision Sté Collectivision, CE, 4 oct. 2023, n° 466887). Selon le Conseil d'Etat, une société peut, par convention, rémunérer indirectement son dirigeant via une autre société, sans que cela constitue en soi un AAG. Toutefois, cette rémunération indirecte n’est admise que si les organes sociaux compétents ont entendu expressément rémunérer le gérant par ce biais et si la société justifie d’une contrepartie effective, c’est-à-dire de prestations distinctes des fonctions relevant du mandat social.

À défaut, le versement est regardé comme un appauvrissement sans contrepartie pour la société et caractérise un acte étranger à une gestion commerciale normale (art. 38 et 209 du CGI).

En l’espèce, la CAA de Marseille constate, sur renvoi du Conseil d’État, que :

  1. Aucune preuve d’une décision sociale valable n’a été apportée. Le seul rapport de gestion mentionnant l’existence de la convention, les montants versés et la qualité d’associé commun, ne suffit pas à démontrer une décision collective des associés ayant validé une rémunération indirecte du gérant. La référence à l’article L. 223-19 C. com. est jugée insuffisante.
  2. Aucune prestation technique spécifique n’est établie. Le contenu de la convention est jugé générique, et rien ne démontre que M. A. aurait agi autrement que dans le cadre de ses fonctions de gérant de SARL, dont les pouvoirs n’étaient par ailleurs pas restreints par les statuts.
  3. Les allégations d’une gestion plus efficace liée à un second co-gérant de Sonely sont jugées trop générales et sans portée. L’administration avait d’ailleurs accepté la déduction des honoraires correspondant à ce co-gérant.

La cour confirme le redressement : les honoraires versés à Sonely à proportion de la rémunération de M. A. sont requalifiés en acte anormal de gestion, faute de preuve d’une contrepartie réelle et de validation formelle par les organes sociaux compétents.

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